L’analyse des mécanismes des marchés financiers a une longue histoire. En 1905, Louis Bachelier établit que les prix suivent une marche aléatoire. C’est dans cette veine que Paul Samuelson construit, cinquante ans plus tard, une définition du caractère aléatoire du prix des actions et la fondation mathématique de l’hypothèse des marchés efficients. A sa suite, Benoît Mandelbrot montre qu’un marché efficient avec des fluctuations de rendements « conditionnellement non corrélées » n’est pas toujours observé. Les corrélations à long terme et les distributions de rendements à queue épaisse peuvent être les plus fréquentes. L'analyse de Mandelbrot contraste avec les travaux de Fischer Black et de Myron Scholes qui s'imposent pourtant comme cadre de la théorie à partir des années 1970. Leur succès repose sur l’explicitation du processus d’élaboration des prix et des processus de couverture. La théorie Black-et-Scholes et les modèles associés supposent une situation dans laquelle les prix suivent des martingales, tels que les rendements futurs ne soient pas corrélés aux informations passées. Les visions contradictoires de Samuelson et de Black et Scholes peuvent-elles être réconciliées sur la base de nouveaux travaux ?
Le projet, soutenu par la Fondation Sloan, repose la question d’une situation de marché idéalisée, comment la comprendre aujourd'hui des points de vues mathématiques et économiques ? Au croisement de ces disciplines, il est motivé et mis en pratique par l’analyse des données et la modélisation de leur dynamique ; il cherche à comprendre, dans une perspective économique, les observations qui en résultent. D’un point de vue statistique, la modélisation et l’analyse des processus stationnaires locaux par une analyse temps-fréquence sont au cœur de la démarche. Le cadre de la modélisation est celui des processus stochastiques multi-fractionnaires où l’effet de mémoire des rendements dans le temps et la volatilité des marchés peuvent tous les deux être incorporés. D’un point de vue économique, une méthode est en cours de développement afin de comprendre ce que les mathématiciens appellent des marchés « intermittents », principalement des périodes calmes qui se transforment en périodes d’activité intense. La méthode permet de caractériser de telles périodes et de comprendre comment elles peuvent être corrélées à des conditions économiques singulières ou critiques.